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Attention ! Si tu as raté des cours d'histoire, de géo et que ta culture musicale se restreint au rock pur et dur, tu risques d'avoir des soucis à suivre cet article et à apprécier Soviet Suprem ! Le duo étendu est en effet maître dans l'art du jeu de mot historique et décline à foison son univers uchronique où l'URSS domine le monde depuis l'effondrement du monde capitaliste. Tous leurs titres sont donc à la sauce coco et pas à la noix, dans un style chanson rappée punk électro funky folklo, leurs textes sont ciselés pour faire rire ou sourire, s'amusent avec les champs lexicaux tandis que les musiques reprennent des classiques balkano-disco-soviétiques. Si le Soviet Suprem fait preuve d'une si grande maîtrise, c'est que derrière la casquette à visière de Sylvester Staline (à ne pas confondre avec le vieux groupe de grind) se cache (mais pas tant que ça) R.Wan, chanteur de Java qui était passé en solo jusque 2014 et la naissance de ce combo formé avec John Lénine et sa chapka qui abrite le crâne de Toma chanteur de La Caravane Passe. Les deux rassemblent quelques amis autour d'eux pour pouvoir assurer en live (et en studio) notamment DJ Croute Chef (Khrouchtchev dirige l'URSS durant la crise de Cuba en 1962), Emilio Stradivarius (qui joue du goulag... euh du violon), Cyrilik Saxo (qui joue donc du saxo hérité du moine Cyrille qui apporta une écriture à l'Est) et Yougo Chavez (ou l'art de mixer histoire, géographie et politique). Un "grand" EP et un hymne album en 2014, des concerts, du boulot et débarque Marx attack cette année, comme si Tim Burton pouvait avoir un équivalent de l'autre côté du rideau de fer...

Soviet Suprem / Chronique LP > Made in China

SOVIET SUPREM MADE IN CHINA Pas de respect du plan quinquennal chez le Soviet Suprem, un comble ! Mais du fait de leurs différentes activités (La Caravane Passe, musique de spectacle, musique de film pour Toma aka John Lénine, projet solo pour R.Wan aka Sylvester Staline), il a fallu attendre un peu plus pour découvrir la suite de Marx attack. Si on était un plus sérieux dans nos questions, on aurait pu leur demander pourquoi aller encore plus à l'Est, mais on a préféré jouer comme eux, avec les mots, bref, on ne sait pourquoi (question de politique plus à l'extrême droite qu'à gauche en Russie ?), mais le centre de gravité de ce nouvel album a quitté les rives de la Moskova pour l'Empire du Milieu. Direction l'Asie avec Made in China, un titre qui permet à la fois de rester en terres communistes et d'évoquer nos liens étroits avec ce pays qui semble si loin.

Même s'il est originaire de la tradition nippone, le maneki-neko est devenu un des symboles de l'Asie, la plupart porte bonheur, certains vous invitent à aller vous faire foutre. Bienvenue dans un monde où tout est propice à surprise et parfois sens dessus dessous. Le premier titre est celui qui donne son nom à l'opus, c'est un des meilleurs tant pour son rythme et son flow qui nous chopent à la gorge et son écriture qui est juste dingue du fait de la densité de références ("génération qui buvait du Wu Tang" !) et de jeux de mots à la ligne ("J'ai délivré les livreurs des livres rouges / Libéré l'quartier rouge du libre-échange / J'viens retourner les dames chinoises / On va mettre le Huawei dans la case"). Le ton est donné, d'autres morceaux arrivent à ce niveau, mêlant esprit festif et textes ciselés notamment "Woke wok", "Ping pong" et "Coco", tous placés sur la "première face" du skeud. Au milieu de cet empire d'essences de Soviet, on découvre une des autres facettes de ces grands mabouls : la chanson française décalée. Le très beau "Qui complote" pourrait être un titre écrit par Bobby Lapointe et chanté par Lenine Renaud, les mots s'entrechoquent sur un délicat oreiller instrumental. Dans la même veine pleine de douceur, on fait "La course aux armements" où est ciblé tout ce qui tue... Les autres tracks sont moins mélodiques et plus influencés par le hip-hop avec un renfort soit de samples orientaux, soit de musiques minimalistes ("Du coup", "La face"), ou un vrai sens de vouloir faire la fête et de ramener un folklore dansant dans des thèmes assez marqués ("Same same", "Mao"). Et quand le shaker reste branché et qu'on mixe un peu le tout, on se retrouve avec un big "Tattoo" qui honore l'autre Carlos (pas Ilich Ramírez Sánchez !). Comme la plupart se trouvent en face B, ça laisse le choix de l'ambiance aux possesseurs du vinyle.

Personnellement, je ne choisis pas, Guangzhou écoute Soviet Suprem, c'est pour cette communauté d'influences, ce melting Pol Pot d'idées, cet amalgame de sonorités et d'exquis mots qui font voyager et cultivent les esprits curieux.

Publié dans le Mag #62

Soviet Suprem / Chronique LP > Marx attack

Soviet Suprem - Marx attack Avec Marx attack, Soviet Suprem offre une plongée en 15 plages dans un monde ubuesque où tout est possible, même la persistance de l'URSS. Mais pas l'URSS des goulags, des purges, de la collectivisation forcée et du KGB, non l'URSS de la vodka, des danseuses à jupe longue, des balalaïkas et des samovars. Après une délicate introduction qui rend hommage à Myxomatov, on peut échauffer ses articulations avec un "Diktator du dancefloor" gentiment dansant avec un phrasé et un genre qui peut rappeler les Svinkels, sur "Post soviet", l'écriture s'affine avec pléthore de jolies collisions de vocables (où le surconsommateur se retrouve à l'hyper Georges Marchais), musicalement, c'est une balade électro-folk qui rompt avec l'avalanche de beats qui fait sautiller sur "Vladimir" (adore) et sa ribambelle de potes. L'excellente série de titres assez variés continue avec "Couic couic" qui mêle chant d'enfants du Komsomol, Marseillaise et idées révolutionnaires, références disco et refrain percutant. Les effets sur le chant et le style de "1917" forment un léger creux, le clin d'œil à Kraftwerk (autant qu'à Tchernobyl) comme celui à l'Armée Rouge ne relancent pas totalement la machine qui profite de la "Valse soviet" pour reprendre l'avantage aux poings avant de faire un tour du côté d'autres rouges opposés aux yankees. "International" renoue avec le rythme, les rimes fracassantes et le flow qui enquille les notes de bas de page pour ceux qui manqueraient de culture. Autre ambiance et autre culture avec la "reprise" (enfin, si l'on peut dire) de "T'as le look coco" de Laroche Valmont (en guest dans le clip hilarant) et sa déclinaison de coco (Coco Chanel à la Karl Marx Lagerfeld, Cocollier Robert Hue...) puis celle du thème de la Guerre des Etoiles pour un "Tsar wars" qui surfe sur les cyberattaques (menées depuis le Kremlin ?) et le vocabulaire du net. Un petit délice. Moins martial et plus chaloupé, le "Russian kiss" (again à Moscou) embrasse hip hop comme électro avant de refermer l'opus sur un petit air de culte de la personnalité ("Héros")... bien mérité tant l'ensemble est bien foutu.

Publié dans le Mag #33