AYRON JONES AYRON JONES J'ai très vite coché dans mon agenda la journée du dimanche dont la programmation m'allait comme un gant avec le nouveau talent Ayron Jones, le cultissime guitariste de Rage Against The Machine Tom Morello, l'iconoclaste Alice Cooper et les indestructibles Judas Priest. Il aurait été impensable que je ne participe pas à la fête avec ce line-up aussi puissant qu'imposant et j'ai attendu patiemment le jour J, me délectant auparavant des informations contenues dans la presse locale au sujet des deux premières journées réussies.

L'accueil réservé aux membres accrédités de la presse (du journal local au magazine spécialisé, en passant par des webzines et des médias étrangers) se révèle d'une grande qualité, avec un accès privilégié au parking le plus proche de l'entrée et un espace couvert où se trouvent à disposition tables, chaises, électricité, frigo rempli de boissons sans alcool et différents en-cas sucrés et salés. Idéal pour recharger les batteries et tailler le bout de gras avec les confrères. J'ai le plaisir de retrouver Marie qui shoote pour Warm TV (et accessoirement pour le W-Fenec mag) et de croiser Olivier Garnier, l'attaché de presse de l'évènement. Ça fait quelques années que je n'ai pas mis les pieds au Zenith en mode amphithéâtre, et je constate que les aménagements réalisés sont de qualité. Une bonne dizaine de milliers de personnes prendront place dans l'enceinte ce dimanche bénéficiant d'une météo clémente (ciel à peine voilé avec des températures très agréables), et ce sont en tout environ 35 000 personnes qui assisteront aux réjouissances métalliques tout au long du week-end.

Il est 17h20 (c'est précis, tout comme le respect à la minute près du running order) quand Ayron Jones monte sur scène. Le guitariste américain, flanqué d'une casquette qui ne passe pas inaperçue, débarque avec son groupe composé d'un second guitariste et du réglementaire basse batterie. Alors que le bassiste Bob Lovelace assure le spectacle avec des poses extravagantes et provoque (dans le bon sens du terme) la foule, Ayron Jones peut sembler nonchalant au premier abord mais s'avère être un artiste touchant avec beaucoup de personnalité. Dès "Boys from the Puget", le ton est donné, les guitares se répondent et s'entremêlent devant une assistance encore trop clairsemée. Le mix est équilibré, avec une basse loin d'être reléguée au second plan alors que les guitares de Ayron et Matthew Jacquette (aux allures de Lenny Kravitz quand il porte sa Flying V) sont aux avant-postes. Le set est court avec huit titres au compteur, dont un excellent "Supercharged" et un sulfureux "Mercy" (issus du premier album Child of the state, largement représenté dans la set list) qui passent clairement mieux que "Otherside" aux accents r'n'b qui dispose toutefois d'un refrain qui cartonne. Deux extraits "seulement" du nouvel album, dont le tube en devenir "Blood in the water" qui ravira Olivier Garnier présent dans la fosse pour applaudir l'artiste dont il vante les mérites depuis plusieurs mois. Ayron Jones use (et abuse peut-être) d'effets guitare de toutes sortes, et la réputation dont jouit l'artiste américain n'est pas usurpée. L'homme aux premières parties de prestige (dont les Rolling Stones) n'est pas là par hasard, et j'ai hâte de le revoir dans une salle, proche de son public, avec les amplis qui gueulent et les riffs qui dégoulinent à foison. Un concert de grande classe, ponctué par une sortie de scène où Ayron repart avec ses deux guitares sous le bras. Respect !

TOM MORELLO TOM MORELLO Le temps d'aller saluer ma collègue Céline (cette information peut sembler peu importante pour ce report, mais cela a du sens pour ma part de signaler que ma nouvelle collègue du bureau écoute du Metal, ce qui change des précédentes qui vouaient une admiration pour Patrick Bruel, Indochine ou Nekfeu) et de profiter du panorama en haut de l'amphithéâtre (pour constater que la majeure partie du public n'est pas encore sur site) qu'il est déjà l'heure d'assister au concert de Tom Morello. Le guitariste de Rage Against The Machine, Audioslave et Prophets of Rage fait partie de ces types qui ont façonné mon éduction musicale. J'ai d'ailleurs un souvenir très précis des deux disques que mes parents m'ont offerts pour célébrer l'obtention de mon brevet des collèges : Rage Against The Machine (l'album) et Blood sugar sex magic des Red Hot Chili Peppers. J'ai usé ma première 6 cordes Vantage électrique à tenter de jouer les riffs du premier Rage qui est tout simplement génial. Un de mes grands regrets est de ne pas avoir pu assister dans ma vie à un concert de Nirvana et à un concert des Rage. Et même si Tom n'est qu'un des éléments du quatuor magique, ça me fait quand même quelque chose de voir en live celui qui joue la musique que j'écoute depuis plus de trente balais. D'autant plus que dès les premiers riffs envoyés dans la sono du Zénith, la magie opère ! Le son (un cran au-dessus d'Ayron Jones niveau volume - et même deux, une fois le premier tiers du set effectué) est fabuleux, conforme à l'exigeant cahier des charges qu'impose le talent et la patte si particulière de Tom Morello. Le chant alterne entre Tom et l'excellent guitariste Carl Restivo tandis que Dave Gibbs (basse) et Eric Gardner (batterie) maintiennent un rythme d'enfer. Le set de notre homme passe à une vitesse folle, entre reprises bien senties (le génial et dynamique "Kick out the Jams" du MC5 sur fond d'écrans diffusant des fuck Trump, "Gossip" de Maneskin), interprétations impeccables de ses propres compositions de son répertoire solo ("Soldier in the army of love", "Let's get the party started" en préambule duquel il avoue être très heureux de partager la scène avec deux de ses groupes préférés), et bien entendu, des divers groupes dans lesquels notre homme s'est illustré. Les titres de Prophets of Rage et d'Audioslave (avec la projection d'une photo de Chris Cornell) font mouche, mais les deux medleys consacrés à Rage Against The Machine font péter les plombs à un public qui chante à tue-tête. D'autant que ces extraits (et le complet "Killing in the name") sont dépourvus de chant. Incompréhensible. Cela doit nécessairement résulter d'un problème de droits d'auteur, je ne vois que cette explication. Ça permet toutefois à chacun de s'époumoner sur les tubes du quatuor américain, mais je n'ose imaginer comment le groupe aurait retourné le l'Open Air du Zénith si tous ces ingrédients avaient été distillés avec rage (c'est le cas de le dire) et conviction ! Grosse baffe en tout cas que ce concert dégueulant d'enthousiasme, d'émotion et de puissance.

ALICE COOPER ALICE COOPER Encore chamboulé par ce concert presque parfait, je retrouve la paire Dalstein (Flying Donuts, Black Zombie Procession) qui est arrivée en cours de concert de Tom Morello. On débriefe pour se dire qu'on vient de vivre un sacré moment, et on se moque un peu (mais vraiment un petit peu) de certains énergumènes qui se promènent ici et là sur le site. Puis il est temps de reprendre place dans la fosse (dont les billets sont plus chers que les places assises, va comprendre) pour assister au concert d'Alice Cooper.

Tout le monde connaît Alice Cooper. Si si, j'insiste. On a tous un tonton ou un ascendant de tout poil qui possède un disque du fantasque américain qui sévit depuis plus de cinquante ans, tant sur disque que pendant ses tournées marathon. J'ai un vague souvenir d'avoir vu quelques titres lors d'un Hellfest au milieu de la précédente décennie, et les quelques disques en ma possession ne font pas de moi un grand connaisseur de Monsieur Vincent Furnier. Mais bon, il joue dans ma ville, alors on ne va pas s'en priver. Et même si je reste encore sous le charme du concert de Tom Morello (j'insiste !), j'ai pris une baffe monumentale tout au long du concert d'Alice Cooper. Avec des décors impeccables (dont cette énorme voile représentant la une de l'imaginaire The French Gazette titrant Banned in France!), un son exceptionnel (on pourra dire que cela a été la constante de ce week-end) et une entrée scénique irréprochable, le concert d'Alice Cooper ne pouvait mieux commencer. Et il sera d'une haute qualité, du début à la fin. Tout y est : charisme insolent du maître de cérémonie au maquillage intemporel, trio de guitaristes (deux mâles - Ryan Roxi et Tommy Henriksen - au touché rock 'n' roll, et la fantastique Nita Strauss - héritière de Johann Strauss II, rien que ça ! - au jeu résolument Metal, le tout parfaitement mixé) et basse-batterie indéboulonnable (avec un bassiste au look digne d'un cousin de la Famille Adams), des tubes qui s'enchaînent sans que la pression ne retombe, et tout le toutim. Il est déconcertant de constater qu'Alice Cooper est en forme (en grande forme même), physiquement et vocalement. Alors ok, ça ne court pas dans tous les sens et n'alterne pas voix graves et aiguës, mais quelle claque ! Moi qui me voyais regarder quelques morceaux et aller boire un soda bien frais, je me suis surpris à assister à l'intégralité du concert sans voir le temps passer. Les gimmicks sur scène sont toujours les mêmes (guillotine, camisole de force, boa, monstre...) mais clairement, on ne s'en lasse pas. Le temps alloué à Alice Cooper passe à une vitesse folle et je ne rate aucune miette d'un des meilleurs concerts auxquels j'ai pu assister depuis longtemps (avec le show de Tom Morello, je pense que là, tu as compris). Et alors que le concert s'achève, je constate que l'Open Air est plein comme un œuf, et que les vieux loups se mélangent aux jeunes métalleux pour communier d'une seule voix et rendre un hommage appuyé et mérité au grand, que dis-je, à l'immense Alice Cooper.

JUDAS PRIEST JUDAS PRIEST Difficile de succéder à un tel showman, mais Judas Priest en a vu d'autres, et c'est un sacré évènement que d'assister à un concert de ce groupe dans la préfecture de Meurthe-et-Moselle. J'imagine la tête de Rob Halford, l'indestructible chanteur du Priest, en train de consulter le rider de la tournée et de chercher à mettre la cité ducale sur une carte, entre une date au Graspop et un show à Copenhague. Tel un marin de haute mer, il a sorti ses instruments de mesure plus ou moins précis (et a surtout fait confiance au GPS du chauffeur du tour bus) pour arriver à bon port. La nuit est tombée, le public est bouillant et mes copains et moi-même prenons possession de la fosse (désormais ouverte à chacun). Jérémie me fait remarquer que l'énorme drapeau sur scène (contenant des titres du nouvel album Invincible shield) sert de setlist pour ces musiciens d'un âge certain. La blague est savoureuse, mais dès "Panic attack" à l'ouverture du show, fini de rigoler : Judas Priest va en effet envoyer un Heavy Metal de haute volée en enchaînant les tubes et en rivalisant de technicité. Le public ne s'y trompe pas (tout comme Tom Morello, dans un état second à la console son) et réserve aux cinq musiciens un accueil chaleureux. Ça shrede à tout va ("You've got another thing comin"', "Rapid fire"), ça fait chanter le public qui ne demande qu'à s'égosiller ("Breaking the law" intervenant très tôt dans la setlist). Rob Halford (qui paraît moins vaillant qu'Alice Cooper) est formidablement secondé aux chœurs par Scott Travis et Andy Sneap, même si je regrette l'abus de delay dans le traitement de la voix. Quel que soit le tempo du morceau, le bassiste Ian Hill exécute toujours le traditionnel jeu de scène composé d'un mouvement de haut en bas de son crâne, ce qui ne manque pas de nous interpeller. Quant aux harmonies guitaristiques, elles mettent en valeur l'excellent "Invincible shield" tandis que "Painkiller" se révèlera un sacré coup de poignard, bluffant l'assistance par une exécution de haute volée et une précision déconcertante. Et alors que l'heure des rappels a sonné après ces enchaînements de riffs aiguisés et de soli démentiels, nous quittons les lieux pour ne pas se faire piéger par les bouchons de sortie du Zénith (chat échaudé craint l'eau froide) et, reconnaissons-le, pour profiter d'un repos bien mérité après ce déluge sonore de haute qualité.

Ce dimanche 23 juin restera dans les annales du Zénith de Nancy comme étant le jour où un bel espoir du Rock, une légende de la Fusion, le Président du Classic Rock et les empereurs du Heavy Metal ont été réunis pour démontrer une nouvelle fois que les guitares ont toujours le vent en poupe, et que le rock à Nancy n'est pas encore mort. L'orga n'a pas été insensible aux conditions techniques et à la "beauté" du lieu, et semble enthousiaste de remettre le couvert l'an prochain. Si GDP arrive à maintenir le cap avec une affiche de haute volée comme celle de 2024, comptez sur moi pour renouveler l'expérience !